Stratégies pour la gestion de crises
Bonjour Stéphanie,
J’ai lu votre article portant sur les changements de comportement avec intérêt. Cependant, je me demande : que fait-on avec des crises? Je veux dire les GROSSES crises... Avez-vous des suggestions à me donner?
Mon fils est très agressif lorsqu’il est contrarié. Il peut alors frapper le réfrigérateur, la porte et le mur. Il peut aussi me frapper avec ses avant-bras, ses poings et ses pieds et ce, aux 2 jours environ. Par la suite, il est épuisé... et moi aussi! Son frère et sa sœur reçoivent eux aussi des coups.
Présentement, nous n’avons pas vraiment de façon d’intervenir dans ce cas, notamment parce que ses grosses crises avaient cessé... La méthode 1-2-3, le retrait et l’ignorance intentionnelle fonctionnent avec les contrariétés quotidiennes, mais pas dans le cas de ces grosses crises.
Que faire?
Merci!
Bonjour à vous,
Dans un premier temps, les stratégies que vous utilisez sont effectivement adéquates lors de crises où l’enfant est encore en contrôle. Ainsi, l’ignorance intentionnelle, le retrait et la méthode 1-2-3 (qui consiste à donner 2 avertissements (1, 2) puis de mettre l’enfant en retrait (3) par la suite) devraient être utilisées de nouveau. Bravo!
Plus précisément, avant de commencer à utiliser la technique 1-2-3, il est primordial d’aviser notre enfant que désormais, on utilisera une nouvelle stratégie. On la lui explique lors d’un moment calme afin qu’il puisse bien la comprendre et prévoir son application dans une situation la requérant.
Qui dit crise peut, entre autres, vouloir dire apprendre à tolérer les contrariétés. Si telle est la source de la crise, voici quelques stratégies qui fonctionnent bien.
Expositions graduées
L’exposition graduée est une stratégie qui vise à mettre l’enfant dans une situation qu’il trouve difficile. Dans ce cas-ci, si on suppose que l’enfant a du mal à gérer les contrariétés, on peut lui en faire vivre. Cependant, les contrariétés doivent être réalistes et gérables et on doit offrir à l’enfant des moyens d’y faire face si elles surviennent.
Par exemple, cela peut s’effectuer dans un contexte de jeu avec la proximité d’un adulte. En effet, attendre son tour, partager, ranger et respecter des consignes sont des exemples de sources de frustration pour les enfants. En étant à proximité (la proximité physique est une technique d’intervention!), on peut ainsi aider notre enfant à se contrôler, surtout dans le contexte où l’enfant a des difficultés d’autocontrôle.
Le modelage
Offrir un modèle de gestion de la colère… quand on est nous-même en train de vivre cette émotion! Comment réagit-on lors d’une contrariété? On peut nommer la stratégie utilisée : « Je me sens en colère. Je vais aller respirer profondément dans ma chambre et je vais revenir. »
La gestion des émotions
Avant qu’un enfant soit en mesure de gérer ses émotions, peu importe la source, il est primordial qu’il soit en mesure d’identifier ses émotions et qu’il puisse les exprimer!
Afin de sensibiliser l’enfant aux émotions, on peut utiliser des pictogrammes représentant diverses émotions (pour les enfants plus jeunes, il est recommandé de commencer par les émotions primaires, soit la colère, la joie et la tristesse puis la surprise, le dégout et la peur ensuite). On peut aussi le faire à l’aide de photos de visages ou encore en faisant nous-même les expressions faciales associées aux émotions afin de les faire deviner et imiter par l’enfant. Il est aussi intéressant de faire identifier par l’enfant les manifestations physiques de ses émotions.
Refléter l’émotion ressentie
Puis, lorsque l’enfant vit une émotion, on peut lui refléter nos observations. « Je vois que tu es en colère parce que tu as les joues rouges. » Éventuellement, on pourra identifier la source hypothétique de cette émotion : « Je crois que c’est parce qu’un ami a pris ton jouet. » En ancrant l’intervention dans le moment présent, il est plus facile pour l’enfant d’intégrer les nouveaux apprentissages.
En prévention
On peut aussi offrir à l’enfant une séquence visuelle (à l’aide de pictogrammes ou de photos) des étapes à respecter afin d’éviter une crise. Par exemple, lorsque l’enfant commence à ressentir des manifestations d’une émotion désagréable, il peut prendre des moyens (aller voir un adulte, serrer un coussin très fort, prendre sa balle antistress/son lézard lourd, aller à l’écart…) pour se calmer. On peut lui faire pratiquer cette séquence via un jeu de rôle (lorsque l’enfant se sent calme).
La source de la crise
Si la contrariété n’est pas la source de la crise, il est important de tenter d’identifier clairement cette source. En effet, en répondant adéquatement au besoin sous-jacent de l’enfant, on arrivera à le soutenir dans la gestion de sa crise. On pourra ainsi modifier des composantes de l’environnement pour prévenir une crise. Par exemple, un enfant autiste qui est très sensible au bruit pourrait bénéficier d’un environnement plus calme. Si ce n’est pas possible, il pourrait utiliser des coquilles (gros écouteurs qu’il peut mettre sur ses oreilles) pour réduire l’intensité du bruit environnant.
Sécuriser l’environnement
Il ne faut pas oublier que, sur le coup, l’enfant qui est en état de crise a besoin de vivre son émotion et de laisser passer le trop-plein. Nécessairement, on pourra sécuriser l’environnement. Par exemple, pour un enfant qui se tape la tête sur le sol lorsqu’il est en crise, la solution serait de l’installer dans un coin « coussiné » et à l’écart pour ne pas qu’il se blesse ou blesse les autres. Ainsi, les techniques recommandées dans cet article devraient être utilisées en prévention d’une crise ou lorsque l’enfant est revenu au calme (sous forme de bref retour).
Moyens compensatoires
Enfin, il est pertinent de trouver des moyens compensatoires pour aider l’enfant à vivre son émotion. Par exemple, l’enfant qui a besoin de se défouler physiquement pourrait frapper dans un « punching bag », dans un coussin, dans un oreiller, dans un toutou, etc.
Retour au calme
Une fois que l’enfant est calme, on peut faire un retour avec lui (court, avec soutien visuel) à l’aide de cette séquence : l’émotion ressentie, la stratégie plus adéquate à utiliser éventuellement, le geste réparateur.
Bonne gestion de crises!
Stéphanie Deslauriers, psychoéducatrice